"Martine Charrier. Mais revenons à 1981. Le soir du deuxième tour, à 20 heures, dans la petite salle à manger Henri II de vos parents, à Saint-André, vous voyez, comme des millions de Français, se dessiner le portrait du vainqueur à la télévision. Moment intense.
Gérard Delfau. Ainsi, François Mitterrand, au terme de trois tentatives électorales, a réussi son pari et accompli son destin. Grâce à lui, la France rejoint le groupe restreint des pays où se pratique une alternance démocratique apaisée. On ne dira jamais assez que c’est le legs décisif, historique même, du député de la Nièvre à notre vieille nation, si souvent secouée par des révolutions ou des querelles intestines, parfois sanglantes. Plus que par les avancées sociales, les nationalisations, la décentralisation et l’abolition de la peine de mort – progrès pourtant considérables CLIQUER SUR L’IMAGE –
le 10 Mai 1981 se caractérise par ce fait capital : l’alternance démocratique est enfin devenue possible. Mon propos peut surprendre. Je vais donc préciser ce que j’entends par là. À ceux qui aujourd’hui m’interrogent, sceptiques, amnésiques ou revanchards, sur ce que nous devons à François Mitterrand, j’ai coutume de répondre : la gauche enfin admise à la gestion des affaires publiques, autrement que sous forme d’une « expérience », comme au temps de Léon Blum, ou bien telle une béquille de la droite, comme sous Guy Mollet. En définitive, une assurance de paix civile, le bien le plus précieux d’une nation."