1- « De quelle manière ces « éducateurs » d’établissements confessionnels, sous contrat, peuvent-ils exposer aux adolescents, qui leur sont confiés, le contenu et les conséquences de la récente loi autorisant le mariage des couples de même sexe... l’histoire de la Révolution Française ou de la loi de 1905… ?
2- « L’Enseignement public... n’a jamais été remis en question, sauf sous ... Pétain… « L’organisation de l’enseignement public et laïque à tous degrés est un devoir de l’État »... Telle est donc notre loi... La liberté de choix des familles... n’implique en rien une obligation de financement... par l’État ou par les collectivités territoriales… ».
3- « ...Je demande une École sans dogmes, ...dont l’enseignement de la morale ne serait pas dépendant d’un Livre sacré,... Je plaide pour une École s’inspirant de principes universels et d’une éthique sécularisée, comme le fait l’École Publique Laïque... une École ayant l’Humanité comme horizon....
Gérard Delfau
Toute sa vie, Gérard Delfau a sillonné le pays : pour porter la bonne parole du socialisme ; pour son rapport sur la Poste en milieu rural ou au titre des Comités de bassin d’emploi ; aujourd’hui pour traiter de la laïcité. Ce sont les directions essentielles qui ont conduit sa vie d’homme politique. Nous les suivons tout au long de cet ouvrage, tout en empruntant d’autres itinéraires tant son parcours politique est riche en actions locales et nationales.
1971, Congrès d’Epinay du Parti Socialiste et future Union de la Gauche, la politique a à nouveau un sens. Et, au sein du PS, Gérard Delfau œuvre grandement dans le domaine de la Formation de base, à la fois concrète et théorique, à destination des militants socialistes. Un travail peu connu, mais déterminant pour le succès de François Mitterrand. En 1977, grâce à lui, une liste d’Union de la gauche emporte la victoire aux élections municipales à Saint-André de Sangonis (Hérault), le village où il a passé son enfance. A partir de là, son combat politique en tant que maire est multiforme : maintien d’un IME et création d’une MAS pour les handicapés, actions pour l’abandon d’une production de vins courants et la conversion du Languedoc-Roussillon à la viticulture de qualité, intercommunalité, et bien d’autres thématiques...
1980, l’année des élections sénatoriales victorieuses pour Gérard Delfau, lui donnera l’occasion de s’engager en faveur des pêcheurs de Sète et contre le projet d’extension du camp militaire du Larzac, qui sera finalement annulé.
Commence alors un long parcours solitaire d’une trentaine d’années, en tant que maire et parlementaire : un travail méthodique au Sénat, une présence incessante départementale, et des prises de position courageuses permettant de le situer comme leader régional, bien que dépourvu de mandat local important ; tout au long, il garde à l’esprit que la morale et la laïcité sont les boussoles de la gauche ; la justice sociale et la conquête de nouvelles libertés, ses objectifs.
La victoire de la gauche en 1981 est historique, et sa portée dans le monde est considérable ; mais une telle responsabilité suppose que le Parti Socialiste tienne toute sa place dans le mouvement de transformation qui affecte la société française, au lieu de s’effacer au profit d’une logique de gouvernement : « le tournant de la rigueur ». Le plus souvent, les élus ont pour unique ambition de perdurer dans la « carrière » politique, car c’est leur gagne-pain. Et pour cela ils sont prêts aux renoncements. Ainsi, viendra « la déception Jospin ». Disparaît la Formation qui associait les militants à la conquête et à l’exercice du pouvoir. Les années 1990 à 2002 ressemblent au récit de ces enfants de bonne famille dilapidant le patrimoine amassé pendant plusieurs générations. Pierre Bérégovoy, figure du socialisme français, était un militant authentique, issu du peuple, et que l’engagement politique a brisé. Il était l’égal des plus grands.
Gérard Delfau rejoint le Parti Radical de Gauche : un parti libertaire à taille humaine qui a fondé la République. La gauche est en fin de cycle. L’ensemble des formations doit reconsidérer les raisons de leur existence, le contenu de leur programme et leur fonctionnement. S’agissant de la question du cumul des mandats, Gérard Delfau recommanderait un mandat unique pour les députés nationaux et européens ; en revanche, possibilité d’assurer un mandat de maire, dans une commune de petite taille, pour les sénateurs. Un tel choix serait conforme à l’esprit de la Constitution. En outre, l’élu doit l’exemplarité. Il faut, dit-il, créer une procédure accélérée pour que la Justice ne puisse plus différer son verdict sur une dizaine d’années, en cas d’infractions. Mettre en place un corps de magistrats spécialisés serait un signal adressé à l’opinion publique. Et il y a urgence.
En tant que sénateur, il lui faut aller à l’essentiel, combattre l’image d’un pugilat, que donne trop souvent l’Assemblée nationale. Aussi, il met l’accent sur la règle de courtoisie qui s’impose dans les débats, quelle que soit l’appartenance politique.
Il se montre attentif à la sauvegarde du Service Public, tout en se défendant de passéisme. Le Service public est au cœur du modèle français ; c’est une composante indispensable de notre vie quotidienne, dont les citoyens ont besoin pour la cohésion sociale de la nation et l’attractivité de tous ses territoires : santé, éducation, sécurité, transports, services déconcentrés de l’État, service public postal, énergie, téléphonie mobile et haut débit ; aucune thématique n’est oubliée.
Élu local, il se transforme en chef de projets et orchestre la mise en valeur des entreprises avec la création de la Maison des Entreprises, lieu de rencontres destiné à tous les acteurs économiques permettant à la commune de devenir un pôle de croissance. Au départ, initiative de type économique, il y ajoute une dimension culturelle. « Le Développement local ? Une affaire d’État ! », dit-il de façon paradoxale. Selon lui, nous avons des marges de progrès dans la lutte contre le chômage, si nous conjuguons politiques d’État et actions des collectivités locales, dans un espace où l’on se connaît : le bassin d’emploi.
La géographie future de la commune, son urbanisation, est passionnante, car on agit sur une matière vivante et pour longtemps. Mais c’est difficile, et même ingrat, car tout projet d’aménagement se heurte aux intérêts privés et au passéisme d’une partie de la population. Quelques années passeront dans une relative tranquillité sur ce sujet brûlant, avant que n’explose la spéculation foncière des années 2000. La sauvegarde des paysages fut la grande affaire de son dernier mandat : il essaie de limiter la prolifération des villas ; la nature doit être respectée ; le foncier est une denrée rare, et la vue d’un paysage, une richesse en soi qu’il faut transmettre. Une audace qu’il paiera cher aux élections municipales de 2008. La citoyenneté passe par la proximité des habitants, la mixité des logements, une urbanisation diversifiée, densifiée, économe des terres agricoles, proche de la configuration de nos bourgs du XIXe siècle.
Sur un autre registre, il préfère à l’idée du Revenu Universel d’Existence, la double exigence posée par la Constitution : « le Devoir de travailler » et « le Droit d’obtenir un emploi ». Cette conception refuse l’assistanat et fait de nous des citoyens actifs, mais, dans le même temps, elle assigne à la Puissance publique une obligation de résultats, afin de mettre un terme au chômage. Et, note-t-il, « La robotisation ne tue pas le travail, elle le transforme » ; elle crée, en outre, des ressources pour rendre possible le Droit au travail, une idée née lors de la Révolution de 1848. Tous les chômeurs ont des compétences qu’il importe de valoriser, car elles sont utiles à la société. Il y a tellement de besoins sociaux qui ne sont pas satisfaits aujourd’hui, preuve que des emplois sont à créer. En réaffectant des dépenses sociales, on pourrait financer un emploi sans coût supplémentaire.
Il était prévu que le Crédit Foncier soit rayé de la carte (1996), lui qui, depuis des décennies, a permis l’accession au logement de centaines de milliers de Français, issus des classes populaires. Inimaginable pour Gérard Delfau qui participe avec les salariés au sauvetage de cette banque privée, mais dont l’État a le contrôle. Grévistes, les employés assurent cependant le travail au quotidien. Grâce à cette conjonction, le Crédit foncier pourra poursuivre son activité jusqu’en 2018.
Le libre jeu du marché et la loi de la concurrence ne sont pas pour lui, l’alpha et l’oméga de son engagement politique. Il a appuyé systématiquement toutes les étapes de la construction européenne, car il croit à des formes de plus en plus régulées de nos sociétés ; il estime que le social a sa place aux côtés de l’économique, que les deux sont indissociables et que la citoyenneté doit progresser. Tel est le socle de ses convictions.
« L’École Publique Laïque : irremplaçable », telle est sa conviction. Il y a en France un Service Public d’Éducation et des établissements privés sous contrat, et non un Service Public et un service privé de l’Éducation qui seraient sur le même plan.
Son combat est incessant en faveur de l’École Publique et il assume sa prise de position favorable au vote de la loi sur le voile islamique, en 2004. Mais il aurait fallu associer le traitement social des inégalités au vote de cette loi. En outre, il entre dans ce processus identitaire une composante liée à notre histoire coloniale : nous avons occupé beaucoup de ces pays, exploité leurs richesses, refusé à leurs habitants les droits attachés à la dignité des personnes et à la citoyenneté. Il en est resté un traumatisme et du ressentiment. Souvenons-nous : « La République doit être laïque et sociale, mais elle restera laïque parce qu’elle aura su être sociale, disait (Jaurès) ».
A l’inverse, on voit bien la tentation des classes dirigeantes qui choisissent prioritairement les établissements privés pour la scolarité de leurs enfants. La gauche, elle-même, participe à cette fuite en avant dans l’élitisme, qui n’a rien de républicain. C’est pourquoi la cause de l’École publique est si mal défendue par ceux-là mêmes qui devraient la promouvoir. Qu’on ne s’étonne pas, si le personnel politique d’aujourd’hui, généralement issu d’un milieu social homogène et formé dans ces mêmes établissements privés, a perdu la confiance du peuple et laissé le champ libre à toutes les formes de populisme.
Aussi il se réjouit de la naissance du CEDEC (Chrétiens pour une Église dégagée de l’école confessionnelle), une association fondée en 1984, en réaction aux manifestations en faveur de l’école privée, par des chrétiens progressistes courageux et engagés ; ils bravent la hiérarchie ecclésiastique tout en restant fidèle à l’Évangile.
« Je crois à la politique »
Indéfectiblement, Gérard Delfau croit à la politique ; il croit en l’humanité. Notre démocratie est un champ de ruines. Tout est à reconstruire, et d’abord, la gauche, si l’on croit viscéralement, rationnellement à la politique, c’est-à-dire à l’affrontement pacifique des forces du progrès et des forces du conservatisme, comme moteur de la société. Chimères ? 1936, 1981, 2012 ont montré que c’est possible.
Mi-mémoires, mi-manifeste pour tenter ainsi de peser dans le débat citoyen : « Il faut préparer le retour du citoyen sur le devant de la scène. Ou s’attendre au chaos. »
La gauche a été ensevelie sous le poids de ses erreurs, et le relativisme politique triomphe. Mais, patience, la France n’a pas dit son dernier mot. Le temps des valeurs reviendra, et, parmi elles, la Laïcité qui est l’une des clés de l’ère nouvelle. La méthode : mobilisation des acteurs, dossiers solidement argumentés, et, surtout, totale détermination.
S’y ajoutera une prise de position sans équivoque sur l’Écologie, une thématique devenue centrale, et sur la Laïcité, trop souvent dénaturée ou trahie. Cela demande de la lucidité, du courage, une solide expérience.