Il est né en 2010, d’une idée de Martine Charrier, correspondante du quotidien Midi Libre à Saint-André-de-Sangonis, commune de l’Hérault où, depuis peu, je ne suis plus maire. Au cours de l’été, elle me demande l’autorisation d’écrire mes mémoires d’homme politique. Je l’écoute, un peu surpris, et surtout peu désireux de raviver la blessure de ma double défaite électorale de 2008, aux municipales et aux sénatoriales. Toutefois, comme elle insiste, je rassemble des archives et, à la rentrée, je lui porte 14 cartons qui contiennent des documents de toutes sortes – correspondance, journal municipal Autour du Griffe, exemplaires de la Lettre du Sénat, brochures et magazines, gros dossiers constitués au fil de mes actions… Il y a aussi des reportages, des vidéos, des cassettes d’émissions de radio.
À sa demande, dans la foulée, je me prête au jeu des entretiens, en réalité de longs soliloques, où j’évoque sans plan préconçu quelques épisodes de ma carrière.
Elle passera des heures à les décrypter et ils fourniront le premier matériau de cet ouvrage. Simultanément je me consacre à la rédaction de mon Éloge de la laïcité, qui paraît en mars 2012, en pleine campagne présidentielle, aux Éditions Vendémiaire.
Mon attitude un peu distante n’est pas signe de désintérêt. Au contraire. Si je me tiens un peu à l’écart, c’est parce que je crains au fond de moi-même de replonger dans ces 31 années de vie publique et d’en revivre le cruel dénouement.
En septembre 2012, Martine Charrier me porte sa version de « mon » histoire. Je suis étonné, et même embarrassé par la tonalité louangeuse du récit. Je ne me considère pas comme un homme politique au-dessus du lot. Simplement j’ai toujours refusé d’abdiquer mes convictions et de faire allégeance pour « faire carrière » ; et cela ne m’a pas été pardonné. Mais ce qui me frappe le plus, sans me surprendre, c’est la place prééminente qu’occupe la dimension municipale dans la narration, alors que le va-et-vient constant entre Saint-André et le Sénat est la clé de ma vie publique.
Martine Charrier a décrit essentiellement ce qu’elle a vu, et elle n’a pu évoquer qu’en passant mon mandat sénatorial. Nous décidons alors que je vais intervenir à mon tour dans le récit. C’est le début d’une aventure singulière, la mise au net progressive d’une sorte de « journal à deux voix », qui nous occupera pendant de longues années.
Ce que le lecteur va découvrir ici n’est pas le résultat de deux démarches parallèles, mais bien l’entrelacement d’une réflexion commune et de deux écritures ; l’effort conjugué de deux personnalités pour restituer un passé qui sans cesse glisse entre les doigts ; une tentative aussi d’expliciter le sens d’une carrière politique que rien au départ ne laissait prévoir et que seule la rencontre avec François Mitterrand peut expliquer.
Mais, plus que de parler du passé, la motivation profonde qui m’a poussé à m’atteler, à mon tour, à cette tâche, c’est de relier ces époques révolues aux temps incertains que nous vivons, et d’en extraire les thématiques toujours vivantes.
Plus qu’un livre de mémoires, Je crois à la politique est un manifeste, un appel à l’espérance, que je dédie à tous ceux et celles qui veulent s’inscrire dans l’histoire glorieuse de la France, celle du Siècle des Lumières, de la Révolution française, et de la Séparation des Églises et de l’État. Un message plus actuel que jamais en Europe et dans le monde.
Gérard Delfau. Paris-Pézenas, 2013-2020