Ne nous voilons pas la face. Ne nous payons pas de mots. Le discours d’Emmanuel Macron, son contenu, les circonstances, où il s’est tenu, sont une tentative de revenir sur un peu plus d’un siècle de « République laïque », si durement conquise contre les forces coalisées des conservateurs et de l’épiscopat français.
Pour ceux qui en doutent, qu’ils se reportent à la Commune de Paris, écrasée dans le sang, et à la tentative d’instaurer l’Ordre moral, à la demande de l’Église catholique, suscitant le coup d’État du président éphémère de la République, que fut le maréchal de Mac-Mahon.
Le Président Macron ferait bien de se souvenir de cet épisode politique, alors que les Français se déclarent laïques pour 90 % d’entre eux, et que, parmi eux, deux tiers sont athées, agnostique ou indifférents.
Imagine-t-on Vincent Auriol, l’athée, De Gaulle, le catholique pratiquant, François Mitterrand, l’agnostique, aller devant une telle assemblée et faire ainsi allégeance à un appareil religieux, celui justement qui a laissé les pires souvenirs à la France, depuis l’Inquisition jusqu’à son soutien inconditionnel au maréchal Pétain, et tout récemment son appui à l’homophobe et mal nommée Manif pour tous ?
Plus que beaucoup d’autres, je n’ignore pas qu’il y a une minorité courageuse et active de catholiques pratiquants laïques. Parce qu’ils font partie de la version lumineuse de l’histoire de France, celle de Lamennais ou d’anonymes Résistantes et Résistants, j’ai tenu à leur donner la parole dans la collection Débats laïques, que j’ai fondée, grâce à L’Harmattan. Sous la signature de Monique Cabotte-Carillon, leur livre résume dans son titre l’accord majoritaire, sur lequel s’est fondée la République, depuis 1905 : Citoyens d’abord, croyants peut-être, laïques toujours.
Telle n’est pas, telle n’est plus, la ligne de conduite de celui que nous avons élu, et je reconnais y avoir contribué par ma modeste voix.
Prenons-en acte et organisons-nous pour défendre l’essentiel : la liberté absolue de conscience pour les croyants comme pour les non-croyants, et le refus viscéral qu’un appareil religieux vienne combattre ou freiner le progrès des libertés individuelles, celles, notamment, si difficilement arrachées par les femmes et par les minorités homosexuelles. Car tel est l’enjeu immédiat, sans oublier, bien sûr, ce combat séculaire en faveur de l’école publique laïque, dont il est clair que le Président de la République ne le partage pas.
Gérard DELFAU, 11-04-2018