que malsaine qu’agitent régulièrement des responsables associatifs."
On se souviendra de propos de responsables importants du culte musulman affirmant que l’État refuserait de prendre en compte la souffrance spécifique des musulmans, lesquels seraient les « nouveaux chiens ou lépreux de la République », dont la situation serait « comparable à celle de la minorité juive dans l’Allemagne nazie ».
Ces dernières années, ces affirmations ont trouvé le renfort de ceux qui se veulent de nouveaux Émile Zola défendant les juifs du XXIe siècle que seraient les musulmans en France. Outre le fait que la comparaison avec le monde juif ne rend pas justice à ceux qu’on veut servir et qui peuvent être victimes de réelles discriminations, elle constitue une faute intellectuelle autant qu’un déni des réalités. Car l’exigence éthique voudrait que l’on rappelle plusieurs choses sur la situation concrète des musulmans.
Les actes antimusulmans ont baissé de près de 70 %
D’abord, que la vague d’attentats après 2015 ne s’est pas accompagnée d’une montée d’actes antimusulmans.
- « La manifestation "contre l'islamophobie" a été dominée par une affirmation identitaire islamiste » - Le Point
Au contraire, ils ont baissé de près de 70 %, et l’affreux drame de Bayonne vient à contre-courant d’une tendance générale qualifiée par la CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’homme) comme plus tolérante au regard de l’islam, alors que les actes antisémites continuent d’être en proportion rapportés à la population qui pourrait les subir les plus importants, et sur la durée les plus meurtriers.
Surtout, faut-il rappeler que tous les efforts des pouvoirs publics ces dernières années ont visé à assurer la visibilité et la dignité de la foi musulmane à travers l’aide à la construction de lieux de culte, l’ouverture des carrés musulmans dans les cimetières comme élément d’ancrage en France de ceux qui croient à la Révélation, le développement des aumôneries, ou encore les alternatives au porc et le halal. Enfin qu’aucune personnalité de confession musulmane devenant ministre, garde des Sceaux ou autre, n’a vu sa légitimité récusée du fait de son origine.
Dans ce contexte, la grande faute de la manifestation du 10 novembre n’est pas seulement d’avoir rassemblé les partisans d’une radicalité identitaire (entraînant même une foule à crier « Allahou akbar »), elle est de tenter de prendre en otage de cette dérive la grande majorité des responsables et des fidèles des mosquées.
Car force est de constater qu’ils n’étaient pas présents dans leur force et diversité et au regard du nombre de musulmans en France. Ni l’islam subsaharien des foyers de travailleurs migrants, ni l’islam d’origine marocaine avec ses rites propres et sa volonté d’incarner un juste milieu, ni l’islam d’origine algérienne toujours meurtri par les dérives islamistes, ni l’islam d’origine turque, qui sait se manifester quand il le souhaite avec ses organisations puissantes et paraétatiques, n’étaient présents.
La manifestation du 10 novembre a été dominée par une affirmation identitaire islamiste dont la motivation était bien plus politique que religieuse, aux dépens de la dignité et de la légitimité des croyants.
Didier Leschi est président de l’Institut européen en science des religions, ancien chef du bureau central des Cultes et auteur de Rien que notre défaite (Cerf, 2018).
Par Didier Leschi le 19/11/2019 Le Point.fr