Il me fait penser aux discours des dirigeants du MRP sous la IVe République. Ils étaient républicains certes, mais en concédant une place privilégiée à l’Eglise catholique, et plus généralement à la religion. La Séparation des Églises et de l’État ne figurait parmi leurs engagements prioritaires.
Comme toujours, Emmanuel Macron se livre ici à un exercice d’équilibre, dans un contexte, il est vrai difficile. Les circonstances sont dramatiques. Et il est venu réconforter les catholiques, encore sous le choc de l’assassinat du père Hamel. Il faut en tenir compte.
Il pose d’entrée de jeu un principe, auquel nous ne pouvons que souscrire : […] « La République garantit la liberté de croire, comme celle de ne pas croire. C’est pour cela qu’elle protège les lieux de culte et les représentants des religions ». Et il en déduit cette double obligation : « La République n’a pas à combattre la religion, ni à vouloir se substituer à elle. Elle œuvre chaque jour à ce que chacun puisse croire ou pas dans l’intensité et l’intimité de sa foi. En homme libre. Mais, ajoute-t-il, chaque religion, dont les responsables sont ici présents (…) a à mener sa part de combat pour que jamais la haine, le repli, la réduction de ce que nous sommes ne puisse triompher ».
Puis, il remercie les autorités religieuses, qui ont œuvré pour que l’emportent la « fraternité » et la « charité » sur les germes de discordes civiles semés par les terroristes. Il en tire cette conclusion : « Alors, oui, il y a un an, vous avez donné cet exemple à toute la France. Et sans en diminuer l’horreur, je veux vous dire aujourd’hui que le martyr du père Hamel n’aura pas eu lieu pour rien ». Une leçon qu’il se devait de tirer de cette tragédie.
On ne peut rien lui reprocher dans le déroulé du discours, et pourtant son propos nous laisse une profonde insatisfaction, presque un malaise. Sa tonalité dérange dans la France du XXIe siècle, qui vit depuis si longtemps sous le régime de la Séparation et qui est désormais peuplée par une majorité de citoyens athées, agnostiques ou d’indifférents. Je m’explique : pourquoi faut-il que, s’exprimant au nom de l’État républicain, en tant que Président, il n’ait usé que d’un vocabulaire religieux : foi, charité, fraternité, martyr, notamment ? Pourquoi n’avoir pas cité la première phrase de la loi de 1905 : « la République assure la liberté de conscience », qui était tellement de circonstance, au lieu d’en faire une banale paraphrase ? Pourquoi l’omission significative de la Laïcité, fondement du vivre ensemble et facteur de paix civile, dont l’évocation s’imposait ici ? Et pourquoi l’oubli du concept de citoyenneté, qui fédère sur une base d’égalité les Français, quelle que soit leur religion ou leur conviction philosophique ? Décidément, à ce texte frileux, unilatéral, communautaire, passéiste, je préfère la prise de position sans équivoque et moderne de Monique Cabotte-Carillon et de nos amis du CEDEC : « Citoyens d’abord, croyants peut-être, laïques toujours ».
Gérard DELFAU 30-07-2017