On peut, bien entendu, s’étonner du paradoxe qui ferait des représentants d’une religion les « vigies de la République », dans une République laïque (la loi de 1905 précise que « la République ne salarie ni ne reconnaît aucun culte »).
Mais le plus inquiétant est de trouver, quelques phrases plus loin, chez un esprit aussi logique que celui du Président de la République, un raisonnement qui s’appuie sur une argumentation contradictoire.
Son cabinet vient de balayer la contestation de la loi « Travail » avec un argument imparable : les électeurs ont donné au nouveau Président la légitimité pour appliquer son programme ; ce n’est pas à la rue de décider.
On peut discuter cette position en disant que le président de la République est un arbitre, président de tous les Français, élu pour faire respecter des principes, et pas pour appliquer un catalogue électoral.
Il n’en reste pas moins que la légitimité vient, effectivement, du vote émis par le Peuple souverain.
Dans ce cadre de légitimité, posé par le Président lui-même, et indiscutable, sa déclaration, dans la suite de son discours apparaît alors parfaitement incohérente.
En effet, pour conforter sa pensée, il a déclaré un peu plus tard, à propos des questions éthiques que pose, par exemple, le débat sur la PMA pour tous : « La manière que j’aurai d’aborder ces débats ne sera en rien de dire que le politique a une prééminence sur vous et qu’une loi pourrait trancher ou fermer un débat qui n’est pas mûr ».
On comprend donc qu’il y a plus légitime que le « politique », c’est-à-dire les élus du Peuple.
Assistons-nous au retour de la religion d’État ?
Les représentants d’une « vérité révélée », qui ne tiennent leur vérité que du crédit que leur accordent certains croyants, seraient donc plus légitimes que les élus du peuple souverain, dans une démocratie laïque ?
Une telle contradiction, à quelques phrases de distance, chez celui qui est légitimement investi de l’autorité suprême, ne peut qu’inquiéter les citoyens qui, tout en respectant les croyances des autres, ne souscrivent à aucune. Et ils sont majoritaires.
C’est d’autant plus inquiétant que cette prise de position fait écho à celle de Nicolas Sarkozy, pour lequel la morale du curé était supérieure à celle de l’instituteur.
Si on rapproche ces faits des atermoiements du quinquennat de François Hollande sur le terrain de la laïcité, on ne peut qu’être inquiet de cette permanence, de cette attitude de soumission au sommet de l’État.
C’est à se demander si les locataires successifs de l’Élysée ne sont pas tentés, les uns après les autres, par le retour à une forme de monarchie de droit divin, où pouvoir politique et pouvoir religieux se confortaient l’un l’autre, au détriment du peuple.
Didier Molines