Il a en effet tout fait pour faciliter le rétablissement d’une autocratie religieuse tyrannique en Afghanistan, devant, entre autres méfaits, réduire à rien les droits des femmes.
Comment les Etats-Unis ont-ils pu être si naïfs ? Peut-être justement parce que, même si la Déclaration d’Indépendance de 1776 établissait le prototype des démocraties modernes, l’alliance non démentie du religieux et du politique, et le maintien de « communautés » dont les prérogatives l’emportent souvent sur la loi pour tous y sont devenus d’incontournables réalités. Pourtant, même là, la priorité que s’adjugent les groupes religieux peuvent mettre la démocratie en danger en la niant dans ses fondements (on en a eu la preuve le 6 janvier 2021 au Capitole).
On le voit, le danger n’existe pas seulement dans les pays où certains voudraient faire de la charia, reprise des textes fondateurs de l’islam, l’armature même de la loi publique.
N’oublions pas, en particulier, que l’une des causes majeures de la sanglante crise proche et moyen-orientale fut la création de l’Etat d’Israël, opérée par La Grande-Bretagne juste après la Seconde Guerre mondiale. Cet Etat, qui a été fondé après le tragique génocide que l’on sait, est progressivement devenu un Etat sectaire qui n’a pas su éviter un tri ethnique fondé sur l’appartenance religieuse supposée.
Mais la France est-elle aussi innocente qu’elle le prétend ? En 1905, elle a offert au monde une loi lumineuse établissant en son sein la laïcité, vraie condition d’une authentique démocratie. Lui fut-elle pour autant fidèle ? Voire…
Il fut, par exemple, immédiatement décidé que la loi dite « De séparation » ne serait pas appliquée dans les colonies, en particulier en Guyane et en Algérie. Jusqu’en 1962, le clergé a, en Algérie, continué à bénéficier d’un statut concordataire, et les musulmans ont été tenus à l’écart des avantages accordés aux chrétiens et aux israélites (après le décret Crémieux de 1870). Pire, après la Seconde Guerre mondiale et les massacres de Sétif, ceux qui sont devenus en 1962 les « Algériens » ont reçu le statut de « Français-Musulmans », c’est-à-dire que leur demi-citoyenneté s’est vue définie par leur supposée religion. On devine l’impact que cela a pu avoir sur les combattants qui ont obtenu l’indépendance, mais même sur ce qu’il est ensuite advenu de la citoyenneté algérienne qui est encore perceptible aujourd’hui…
En France même, le statut de la Guyane n’a pas été modifié, et le Concordat y prévaut toujours. Cette situation ne fait qu’apporter de l’eau au moulin de ceux qui veulent le maintien du Concordat napoléonien en Alsace-Moselle, telle que la République n’a pas eu le courage de le mettre à bas en 1918. Et il faudrait aussi s’intéresser à la situation à Mayotte.
Et où en sont les constitutions laïques de la Turquie, de l’Inde ? Où en est la Tunisie ?
Nous, Français, péchons souvent par une sorte de méconnaissance du monde. Nous avons oublié que certains Etats se sont, dans le passé, inspiré de notre constitution laïque. Nous ne voulons pas savoir qu’au-delà de ces dispositions étatiques, des foules d’individus à travers le monde se réclament de la laïcité parce qu’ils savent, quelquefois dans leur chair, qu’elle est la seule voie vers la démocratie.
Joe Biden n’est pas un naïf. Il n’est que le dernier utilisateur de dispositifs non laïques devenus incapables de résoudre les problèmes du monde dans lequel nous sommes maintenant.
Il faudrait que nous ayons le courage de le proclamer, de trouver de solides alliances pour faire progresser l’idéal laïque.
Didier Vanhoutte, membre de l’OCL (Observatoire Chrétien de la Laïcité), membre du CEDEC (chrétien pour une Eglise Dégagée de l’Ecole Confessionnelle).
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