QUEBEC : petite, mais réelle avancée sur les chemins de la laïcité

, par Georges Bringuier

La Cour d’appel du Québec a confirmé la loi controversée dite « Loi 21 » sur la laïcité, qui interdit aux juges, policiers, gardiens de prison, enseignants, président et vice-président de l’Assemblée nationale… le port de signes religieux dans l’exercice de leur fonction.

Le texte prévoit aussi l’obligation pour les usagers des services publics de se présenter visage découvert. Cette disposition se rapproche de la loi française de 2010 - qui faut-il le rappeler, est une loi de sécurité publique et non laïque -, mais elle limite la contrainte aux seuls services publics.
La Loi 21 met-elle fin, au Québec, aux « accommodements raisonnables » ? Pas sûr. En effet, l’interdiction des signes ostentatoires ne concerne pas tous les employés de l’Etat, mais seulement les personnels d’autorité. Par exemple, les employées des crèches publiques ne seraient pas concernées. Un autre compromis est le respect de la « clause grand-père » qui prévoit de conserver les droits acquis, ce qui signifie, par exemple, qu’une enseignante qui portait le voile avant la loi pourrait continuer à le porter, paradoxe dont on imagine la difficile gestion.
Adoptée en juin 2021, la loi avait été contestée par le Conseil national des musulmans canadiens et l’Association canadienne des libertés civiles devant la plus haute juridiction du Québec qui a rendu ses conclusions le 28 février 2024 : « [la loi] reflète pour l’essentiel l’état actuel du droit qui, au Québec comme ailleurs dans le reste du pays, se fonde sur une séparation de l’État et des religions : car de fait, les éléments constitutifs de l’Etat canadien sont laïques. »
Pour les juges de la plus haute juridiction du Québec, cette loi est conforme à la constitution, mais elle fait bondir les autres provinces [1] qui préfèrent le secularism anglo-saxon. Les opposants veulent porter la cause devant la Cour suprême avec l’appui de Justin Trudeau, Premier ministre du gouvernement fédéral. Un combat emblématique à l’échelle de l’Amérique, et qui pourrait avoir une influence sur le devenir de la laïcité en Europe.

Georges Bringuier
Mai 2024

Notes

[1Rappelons que le Canada est un État fédéral constitué de treize provinces. C’est une monarchie constitutionnelle dont le roi, Charles III, a été proclamé en ces termes : « Charles III, par la grâce de Dieu roi du Royaume-Uni, du Canada et de ses autres royaumes et territoires, chef du Commonwealth, défenseur de la Foi. » Son pouvoir est très limité par plusieurs textes constitutionnels ; selon la formule : « le souverain règne, mais ne gouverne pas. » Le roi est représenté par le gouverneur général qui désigne le premier ministre en son nom. Par convention constitutionnelle, le chef du gouvernement est choisi dans le parti ayant obtenu la majorité à la Chambre des communes du Canada. Depuis les élections fédérales de 2015, le chef du gouvernement est Justin Trudeau du parti Libéral. En raison du fédéralisme, son pouvoir est limité et partagé avec les gouverneurs provinciaux. La nature fédérale du Canada résulte de la grande diversité des colonies, particulièrement entre le Bas-Canada (Québec) francophones et le Haut-Canada (Ontario) anglophones.