« Comment je me suis disputée … avec moi-même
Je l’ai dit : longtemps, je me suis sentie palestinienne.
Depuis mon arrivée en France en 1989, je vais à toutes les manifestations propalestiniennes, à toutes les manifestations pour Gaza.

Non ! J’allais.
J’allais, par fidélité, à toutes les manifestations propalestiniennes jusqu’à cette manifestation qui a été pour moi le point de non-retour, la fissure, la brèche ouverte à la métamorphose. A cette manifestation, Allah m’a ouvert les yeux !

2013 ? 2014 ? Je ne sais plus. Je suis au centre de la manifestation.
Nous marchons. Des slogans sont lancés. Nous marchons.
En arrivant près des Invalides, je réalise tout à coup que les slogans ont changé : je comprends que j’ai glissé sous les banderoles du collectif Cheikh Yassine.
Ce collectif a été créé dix ans plus tôt, à la mort de Cheikh Ahmad Yassine, cofondateur du Hamas, le mouvement islamiste palestinien. Cheikh Ahmad Yassine a été tué par l’armée israélienne. Le collectif se définit comme propalestinien et antisioniste. Mais d’année en année, il s’est radicalisé et a affiché des positions très tranchées, en faveur du djihad.

Impossible pour moi de manifester aux côtés de ce collectif, dont le fondateur est Abdelhakim Sefrioui, qui sera, il faut le dire, le futur instigateur de la décapitation de Samuel Paty. Il revendique l’islam comme projet politique, il milite en faveur du port du voile intégral pour les musulmanes.
Écœurée, bouleversée, je sors immédiatement de la manifestation.

Que fais-je dans cette galère ? La fin justifie-t-elle les moyens ?
La cause palestinienne justifie-t-elle l’islamisme ?
OUI ? NON ?
OUI ! NON !
NON ! NON ! CENT FOIS NON !

Non, l’ennemi de mon ennemi n’est pas forcément un ami.
« Il ne faut pas désespérer Billancourt », je sais …. Cette phrase attribuée à Jean-Paul Sartre, dans les années 50-60, exprime la difficulté d’être communiste tout en ayant connaissance des crimes de Staline.
Moi, je ne veux pas me voiler la face !
JE NE VEUX PAS ME VOILER LA FACE !

Je combats l’État d’Israël au nom de la cause palestinienne, tout comme la gauche, et surtout l’extrême gauche. Au nom de la cause d’un peuple à qui on a volé son territoire !
Le collectif Cheikh Yassine combat l’État d’Israël, mais au nom de l’islam ! Au nom de son projet politique islamiste !
Quoi ? Ma solidarité pour la Palestine me laisserait glisser vers une alliance anti-Israël, qui m’obligerait à accepter des pro-djihad comme camarades de lutte ?

NON ! NON !

Moi, Fidaa, je ne serai pas Fidayin, coûte que coûte !
A vouloir faire l’ange, j’ai failli faire la bête, moi aussi... ».

Fidaa H. Juillet 2023