L’AVERTISSEMENT de Jean RIEDINGER.
Il m’a semblé utile de vous donner quelques repères.
A lire ce calendrier cliquer ici
on s’aperçoit que la laïcité est une conquête permanente, et menacée de façon permanente.
Ne pas avoir la naïveté de penser qu’en ce domaine, comme en toute évolution sociale, l’évolution est une sorte de progrès permanent et sans retour, même si, en effet, il y a des acquis suffisamment forts pour donner des bases à des jugements, des actions, des actes militants.
Ce calendrier ne tient pas compte vous l’aurez remarqué de ce qui se passe après 1918 en Alsace Moselle, le maintien du concordat remontant à Napoléon avec les aménagements de Bismarck dans l’empire germanique.
Il ne tient pas non plus compte du ralliement des Evêques de France aux idées fascistes de Mussolini sur le rôle et la fonction de l’Eglise dans la société. La mort « providentielle »de Pie XI venant à temps pour empêcher le Vatican de basculer dans le camp antifasciste comme prévu par Pie XI trop tard convaincu par les faits de la dangerosité du nazisme triomphant .
A revoir aussi l’histoire de l’enseignement public laïque et tout ce qui relève des suites de l’opération "Loi Debré" qui déforme la loi prévue par André Boulloche, ministre de l’enseignement public, qui démissionne de son poste en une nuit pour protester contre l’intervention autocratique de De Gaulle contre ce que cette loi avait de profondément laïque.
Le CEDEC (Chrétiens pour une Eglise Dégagée de l ’Ecole Confessionnelle) au sein de l’OCL et l’OCL, au sein de la fédération des Parvis, ont pour fonction de défendre l’affirmation de la laïcité comme séparation (et non simple distinction) de l’Etat démocratique et de sa Loi et des usages et pratiques des différentes convictions religieuses ou non qui ne s’imposent qu’à ceux qui les approuvent pour eux mêmes.
Ces rappels ont pour objet de situer la sortie du livre de Monique Cabotte-Carillon dans un contexte historique en permanente évolution.
Le calendrier incomplet de La Croix.
1789
La Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen proclame que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi » (article X). Ce texte fondateur dénoue le lien qui unissait le catholicisme et la société politique sous l’Ancien régime. Il ne met pourtant pas en place un régime de laïcité tel que nous le connaissons : les Constituants partagent la conviction alors générale qu’une société ne peut se passer d’une religion commune qui soit le ciment de son unité.
1790
L’assemblée vote la Constitution civile du clergé pour l’organisation ecclésiale aux principes nouveaux de la Révolution. Ce faisant, elle se place dans la droite ligne de l’ancien pouvoir monarchique qui s’était toujours arrogé le droit de réglementer la vie de l’Eglise. Cette réforme, qui s’immisce dans l’organisation de l’Eglise, est aussi contraire que possible d’une idée de laïcité fondée sur une séparation compète du religieux et du politique.
1791
Pie VI publie le texte Quod aliquantum qui condamne la Constitution civile du clergé et plus encore son inspiration, confondue avec celle de la déclaration des droits de l’homme. Avec l’opposition de Rome, la Constitution civile du clergé devient la pomme de discorde entre les catholiques et les révolutionnaires : la France se divise en deux camps qui seront longtemps irréconciliables.
L’assemblée accorde la citoyenneté pleine et entière aux protestants puis aux juifs.
1792
La France instaure un Etat civil unique et neutre. Cette décision dessaisit le clergé du rôle d’enregistrement des grands moments de l’existence humaine. Instauration du mariage civil. Instauration du divorce. Pour la première fois, un comportement contraire à l’enseignement de l’Eglise catholique est légalisé. Jusque-là, on ne concevait pas que loi morale et loi civile puissent diverger et, à plus forte raison, entrer en contradiction.
1795
Le Directoire organise une première séparation de l’Eglise et de l’Etat.
1801
Le Concordat signé entre Bonaparte et le pape Pie VII rétablit l’Eglise catholique dans une partie de ses privilèges : le catholicisme est reconnu comme « religion de la majorité des Français ». Mais le concordat ne se prononce pas sur la prétention de l’Eglise catholique d’être une société parfaite détenant la vérité religieuse et ne lui rend pas son titre de « religion d’Etat ».
Le concordat prévoit que l’ensemble des évêques en fonction qu’ils soient constitutionnels ou réfractaires démissionnent pour permettre à Bonaparte de désigner de nouveaux évêques. Le Vatican accepte de renoncer aux biens d’Église devenus biens nationaux et de faire salarier les membres du clergé par l’Etat au lieu d’accepter une indemnité compensatrice. Le concordat va régir les relations de l’Eglise et de l’Etat jusqu’en 1905.
1810
Le code pénal interdit aux ministres des cultes de procéder à un mariage religieux s’ils n’ont pas la preuve d’un mariage civil préalable.
1814
La Restauration et le retour de la monarchie ne remettent pas en cause le pluralisme cultuel. La charte de la Restauration garantit dans son article 5 la liberté des cultes reconnus.
1830
Le sacre royal est remplacé par une cérémonie civile. Le duc d’Orléans, futur Louis-Philippe Ier, prête serment de fidélité à la Charte révisée devant les chambres. Cette substitution symbolique marque une étape de la sécularisation de la société politique française.
1833
La Loi Guizot sur l’enseignement primaire impose à chaque commune d’ouvrir une école publique.
1848
Après la révolution de 1848, avènement de la IIème république. Celle-ci ignore la laïcité et se veut d’esprit religieux. Le préambule de la Constitution du 4 novembre 1848 commence par la formule « En présence de Dieu et au nom du peuple français ». Les hommes de 1848 sont spiritualistes et voient dans la devise républicaine l’aboutissement du christianisme.
1871
La Commune de Paris décrète la séparation des Eglises et de l’Etat, supprime le budget des cultes et déclare propriété nationale les biens des congrégations, au nom de la « liberté de conscience » et pour frapper les clergés « complices des crimes de la monarchie contre la liberté ».
1872
Disparition sur les feuilles de recensement de toute mention concernant la religion.
1881
Jules Ferry organise progressivement l’enseignement primaire laïque et républicain. En 1881, il fait voter l’enseignement primaire gratuit ; en 1882, l’obligation scolaire et la neutralité de l’école officielle ; en 1886, la laïcisation du personnel de l’école publique et l’interdiction pour les ecclésiastiques d’enseigner dans les établissements publics.
Abolition du caractère religieux des cimetières.
1884
La Loi Naquet rétablit le divorce.
Suppression des prières publiques à l’ouverture des sessions parlementaires.
1885
Victor Hugo, qui avait explicitement refusé dans son testament toute cérémonie religieuse, reçoit un éloge funèbre « laïque ». Sa dépouille, d’abord exposée sous l’Arc de Triomphe, est solennellement transférée au Panthéon sans passer par Notre Dame et sans recevoir la bénédiction d’aucune Eglise. Cette cérémonie marque un moment décisif dans la banalisation des obsèques civiles et la sécularisation de la société française.
1905
Loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat qui tranche les derniers liens entre l’Eglise et l’Etat. Désormais, la République ne reconnaît, ne subventionne, ni ne salarie aucun culte. La loi garantit la liberté des cultes.
Cette loi satisfait de nombreux catholiques conscients de la liberté que l’Eglise gagnera à être séparée de l’Etat. Mais le climat de tension dans lequel elle est adoptée et la méfiance de Rome susciteront l’opposition du gros du clergé et des fidèles.
Pie X interdit à l’Eglise de France de constituer des associations cultuelles auxquelles le législateur avait prévu de transférer l’ensemble du patrimoine ecclésiastique. Le prix à payer de cette opposition fut la perte de tout le temporel de l’Eglise. Evêché, grands séminaires, couvents sont dès lors affectés à des administrations publiques.
Première Guerre mondiale
La Grande guerre rapproche les Français et le clergé catholique, mobilisés ensemble au front.
1918
Clémenceau refuse d’assister à Notre-Dame au Te Deum pour l’armistice de 1918.
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> Création d’une aumônerie militaire avec des ecclésiastiques rémunérés sur le budget public.
1925
En pleine crise avec le gouvernement du Cartel des Gauches, l’Assemblée des cardinaux et des archevêques de France adopte une déclaration solennelle qui condamne l’idée même de laïcité et presse les catholiques d’y désobéir.
Seconde Guerre mondiale
Le gouvernement de Vichy ne remet pas en cause la laïcité de l’enseignement malgré les espoirs de la hiérarchie catholique. Les « devoirs envers Dieu », ôtés des programmes scolaires par la IIIème République, n’y sont réinscrits que temporairement.
La politique d’exclusion discriminatoire décrétée par le régime de Vichy à l’encontre des juifs remet en cause pour la première fois les principes de 1789. Certes la discrimination menée à l’encontre des juifs se fonde sur un critère plus racial que religieux, mais l’appartenance au judaïsme n’en constitue pas moins un des critères sur lesquels elle s’appuie.
1945
Dans une déclaration solennelle, les évêques et cardinaux français reconnaissent l’existence d’une laïcité « conforme à la doctrine de l’Eglise ». La prise de conscience du danger que représentent les régimes totalitaires a beaucoup pesé dans ce ralliement.
1946
Adoption de la Constitution de la IVème République dont le préambule précise que « l’organisation de l’enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir pour l’Etat ».
1958
Adoption de la Constitution de la Vème République dont l’article premier déclare que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ».
1962-1965
Le Concile de Vatican II confirme l’ouverture de l’Eglise à la démocratie, aux droits de l’homme et à la laïcité. Il déclare que l’engagement dans les responsabilités sociales, et notamment politiques, relève des laïcs et non des clercs, manifestant ainsi la distance prise par l’institution ecclésiale vis-à-vis du politique.
1967 et 1975
Vote de la loi relative à la régularisation des naissances et vote de la loi relative à l’IVG (interruption volontaire de grossesse). Ces deux lois montrent la distance existant entre la société française et l’enseignement moral de l’Eglise.
1983
Création du comité consultatif national de bioéthique auquel les représentant des principales « sensibilités » et donc, des religions) sont invités à siéger.
1984
Alain Savary, ministre de l’Education nationale, propose un projet de loi visant à la création d’un grand service public de l’éducation. Les manifestations hostiles à ce projet (défense de l’ « école libre ») entraînent son abandon.
1987
Les sommes versées au denier du culte par le contribuable français deviennent déductibles des impôts. Ce geste de l’Etat français vis-à-vis des Eglises peut être interprété comme une aide indirecte.
1989
Affaire dite du « foulard islamique » : des élèves musulmanes demandent à porter le voile au sein d’établissements d’enseignement public. Le Conseil d’Etat précise les conditions du port de signes extérieurs religieux, mais proscrit tout prosélytisme à l’intérieur de l’école. Le débat sur la laïcité s’ouvre à l’islam, deuxième religion de France.
1999
Vote de la loi créant le Pacs, malgré l’opposition de la hiérarchie catholique au projet.
2000
Polémique autour du préambule de la Charte européenne des droits fondamentaux après le retrait, sur demande de la France, de la référence à « l’héritage culturel, humaniste et religieux » de l’Europe.
2002
Le Rapport Debray fait des propositions sur l’enseignement du fait religieux dans l’école laïque.
2004
Jacques Chirac crée la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE). Elle sera supprimée en 2010 en tant qu’autorité indépendante.
Loi sur le respect de la laïcité (suite aux affaires du foulard islamique, l’interdiction du port ostensible de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les établissements scolaires publics)
2005
La circulaire du 2 février relative à la laïcité dans les établissements de santé définit les grands principes s’appliquant dans les hôpitaux : le personnel soignant se doit de soigner les patients de façon égale et de respecter leur liberté de conscience. Ils doivent être neutres par rapport aux usagers et ne pas montrer leurs propres convictions religieuses.
2006
Le rapport de la commission Machelon chargée d’aménager la loi de 1905, propose que les communes puissent financer les lieux de culte.
2007
Création en mars par le président Chirac, de l’Observatoire de la laïcité , une instance placée auprès du Premier ministre, visant au respect du principe de laïcité en France. L’Observatoire ne sera effectivement installé qu’en 2013 par le président Hollande.Selon le président Hollande, cette instance est censée préparer le terrain à l’inscription de la loi de 1905 relative à la laïcité dans la Constitution française.
La circulaire du 13 avril relative à la Charte de laïcité dans les services publics.
2010
La loi du 11 octobre interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public et notamment au sein des hôpitaux.
2012
Le 17 janvier est voté au Sénat un projet de loi visant à étendre l’obligation de neutralité aux structures privées en charge de la petite enfance et aux assistantes maternelles. Celles-ci devront soit stipuler leurs convictions religieuses aux parents avant signature de leur contrat de travail, soit ne plus afficher de signes religieux sur elles et à leur domicile, durant leur temps de travail.
2013
Une « charte de la laïcité » est affichée à l’école. Création de l’Observatoire de la laïcité, rattaché au Premier ministre.
2014
Verdict dans l’affaire Baby-Loup : la Cour de cassation valide le licenciement d’une puéricultrice qui portait le voile dans une crèche privée.
2015
En janvier 2015, après l’attentat de Charlie hebdo, l’Observatoire a présenté 11 propositions pour renforcer la « cohésion nationale » dont certaines ont été vivement contestées et même qualifiées d’anti-laïque par 3 de ses membres.