Il s’agit du 5ème livre sur la Laïcité, écrit par Gérard Delfau, administrateur au C.A. fédéral, ancien sénateur et maire, président de l’association EGALE, livre paru peu avant les événements du 13 novembre. Mais les attentats de cette sinistre soirée n’auraient modifié en rien, j’en suis persuadé, les analyses que Gérard développe dans son dernier ouvrage.
Il n’est pas une semaine où les débats, les polémiques, les prises de position autour de la Laïcité, amplifiés depuis les attentats de janvier 2015, divisent la classe politique et divisent malheureusement le camp laïque. Ils ne donnent pas, hélas, une nouvelle urgence à la laïcité, mais conduisent en premier lieu à une instrumentalisation politique de ce principe inhérent à notre République.
La récente polémique, mi- janvier, consécutive aux propos d’Elisabeth BADINTER, et le focus qu’elle a pointé sur les positions de l’Observatoire de la Laïcité, entretiennent la confusion générale.
Comment sortir de cette confusion, comment comprendre les enjeux des événements que nous vivons, comment les analyser pour, in fine, agir, en tant que citoyens, c’est ce que propose ce livre ; mais, en ce qui nous concerne, administrateur, militant ou salarié des PEP, quels enseignements pouvons-nous en tirer ?
Lors de l’AG de Deauville, au cours d’un atelier, une question m’avait été posée concernant des références littéraires sur le principe de laïcité. J’avais proposé “Qu’est-ce que la laïcité ” d’ Henri Peña-Ruiz, et ”Eloge de la laïcité”, le précédent ouvrage de Gérard Delfau.
Si cette question m’était à nouveau posée prochainement, je répondrai, sans hésitation, La Laïcité, défi du XXIe siècle. Pourquoi ?
Gérard DELFAU, qui n’a jamais souhaité d’autres mandats que ceux de Maire et Sénateur, cumule, paradoxalement, dans ce livre, que je m’autoriserai à résumer en l’extrayant en une seule formule “ La laïcité est un processus de longue durée, multiforme, et par nature inachevé ”, l’historien, l’écrivain, et le politique dans le sens que lui donnait Aristote.
Les cinq premiers chapitres consacrés à la genèse de la laïcité, ses racines, les combats en son nom, la violence des débats, le courage et l’engagement politique des fondateurs, des théoriciens, des élus (La Loi de 1905 n’a jamais été un compromis, un donnant-donnant, entre le religieux et la République, du fait-même de l’intransigeance de Rome), mais également de ses détracteurs cléricaux auxquels il rattache désormais l’Islam radical, font l’objet d’une recherche chronologique et méthodique, dans laquelle se mêlent les références historiques, et leur analyse en lien constant avec l’actualité.
L’historien remet en cause, justement, le lien qui lui avait paru évident dans sa précédente réflexion : si la question religieuse est liée à la question sociale, sans toutefois évacuer cette problématique, elle ne saurait s’y résumer. L’islamisme radical ne se développe pas uniquement sur fond des inégalités.
Dans les chapitres suivants, Gérard analyse les évolutions législatives récentes-les Lois Claeys- Leonetti sur la fin de vie, (adoptée enfin le 27 janvier 2016), les Lois Neuwirth, Veil, la récente Loi Taubira-, comme participant à l’émancipation et au libre-arbitre des citoyens mais également des femmes, en particulier, et démontre que, comme le principe de laïcité, ces Lois sont consubstantielles à la République.
C’est justement contre ces Lois liées à l’émancipation, que se sont toujours élevés les tenant du Concordat, les adversaires farouches de la laïcité, et la Manif pour Tous par la violence de ses excès, en est une récente illustration.
L’écrivain développe au fil des pages ses analyses dans une langue choisie, percutante, limpide ; il a le sens de la formule qui tombe à point pour résumer un chapitre (“ C’est dans l’intersection du Politique et de l’Histoire que s’articule la démocratie, dont la laïcité est le fondement ”, et, plus loin, ”il n’y a aucune place dans notre histoire, depuis 1905, pour le notion de “pacte laïque” ou “d’accommodements raisonnables ”).
Je ne pourrai les citer toutes. Résumer ce livre est bien évidemment impossible, on s’y surprend à chaque page à y trouver des éléments prompts à raviver nos racines républicaines, et le message qu’il véhicule est bien celui du combat politique pour la laïcité, qu’il est impossible de dissocier du combat pour la République.
La République, point final ! Pour certains d’entre- nous, comment ne pas nous souvenir du magnifique discours de Joël BALAVOINE à l’AG de Paris.
Complémentaire des deux tomes de l’Histoire des PEP de Mathias GARDET, La Laïcité, défi du XXIe siècle se lit comme on déguste un bon armagnac, en savourant ces esters qu’il distille à chaque page et qui s’enchaînent si naturellement à la pensée qu’à la fois, ce qu’il écrit est terriblement pertinent, dans le sens où Gérard analyse des problématiques sociétales actuelles et à venir, fortement liées au principe de laïcité, et familier, puisque les événements d’hier mais aussi de l’actualité, s’y révèlent logiquement éclairés.
Politique, puisqu’au fil de la lecture, il nous propose pour demain un vrai projet de société, organisé autour d’une laïcité en action conçue comme le ciment du vivre-ensemble. C’est ce demain qu’il est important pour nous de prendre en compte, nous devons y prendre notre part, nous en avons et l’envie, et les moyens.
Le Bloc législatif de laïcité, que propose Gérard, en recensant les textes essentiels, permet également de distinguer ce qui relève de la sphère privée et de la sphère publique.
La laïcité que prône Gérard est en tout point celle des PEP. Son mérite est d ‘en avoir retracé l’historique, les fondements philosophiques et politiques, nous permettant ainsi de renouer avec nos racines républicaines.
Un de ses apports principaux du livre de Gérard DELFAU est de montrer que la laïcité n’est pas un fait acquis, mais un processus permanent, qu’il faut sans cesse, avec vigilance, et détermination, entretenir.
Une laïcité, ni sectaire, ni molle, mais exigeante, en lien constant avec l’action.
Jean-Paul Comte, secrétaire général des Pupilles de Education Public