Qu’on en juge.
Le Premier ministre souligne d’abord avec une certaine lourdeur le lien « consubstantiel » qui, selon lui, unit la France à l’Église catholique.
Son discours s’ouvre par un propos sans ambiguïté en ce sens : « Le destin particulier de la France…ne saurait se concevoir sans l’évocation de son lien millénaire, au point d’être qualifié de filial, avec l’Église catholique. » Et il insiste : « L’Histoire de la France, en tant que Nation nait à Reims, dans la cuve d’un baptistère. »
On peut certes discuter longuement sur la question de savoir comment et quand la France est devenue à proprement parler une Nation, mais il est certain que la faire naître « dans la cuve d’un baptistère » est un point de vue tout à fait étrange dans la bouche du représentant d’une République laïque et qu’il est difficile de le partager.
Le discours se poursuit avec un long développement tendant à montrer que, face à « l’agressivité » du pouvoir politique : Philippe le Bel qui s’oppose directement au Pape, la République qui supprime les congrégations religieuses, etc. , le Saint Siège aurait toujours fait preuve, lui, « d’intelligence politique », en particulier dans la négociation du Concordat de 1801 ou en maintenant « une représentation diplomatique discrète à Paris » après la loi de Séparation et la rupture des relations officielles par la France. Une étrange réécriture de l’histoire !
Bien plus, il présente une analyse de la loi de Séparation des Églises et de l’État qui est pour le moins étonnante. Quelques années après 1905, le pape Benoit XV aurait accepté « avec une facilité apparente », la Séparation parce que celle-ci mettait fin « en réalité à sept siècles de gallicanisme. »
Ainsi, pour lui, la loi de 1905 serait une victoire du Vatican face aux velléités d’indépendance de l’Église catholique de France. Et la canonisation de Jeanne d’Arc en 1920 serait le signe de « la nouvelle bienveillance du Saint Siège à l’égard de notre pays ». La thèse est originale et, à ma connaissance, totalement inédite ! Mais que vient-elle faire dans la bouche d’un Premier ministre en exercice, et de surcroît à la sortie du Vatican ?
Enfin, tout en se félicitant des réunions régulières qui ont lieu à Matignon entre les représentants de l’État et ceux de l’Église, depuis l’époque Jospin, « sous la co-présidence du nonce apostolique », il nous sert la thèse bien connue des faux amis de la laïcité selon laquelle celle-ci n’est rien d’autre que le cadre institutionnel qui sert « à reconnaître la réalité du fait religieux chrétien dans l’histoire de la société française. » Passez muscade, il n’y a jamais eu en France une loi qui précise que la République ne reconnaît aucun culte !
Nous étions un certain nombre à douter de la volonté réelle du gouvernement d’agir pour conforter une République vraiment laïque, alors que la pression des appareils religieux ne faiblit pas. Nous n’avons désormais plus aucune raison de croire à cette volonté. Dès lors, nous nous tournons vers le Président de la République. Endosse-t-il la responsabilité de ces propos ?
G. BOUCHET 05-11-2021