Gérard Delfau : "Oui, il faut légiférer pour conforter les principes républicains".

, par Gérard DELFAU

"Il est nécessaire de confirmer la place éminente de la loi de Séparation des Églises et de l’État dans notre organisation républicaine et d’en actualiser l’impact en matière de droit des associations, de fonctionnement des lieux de culte, ainsi que des moyens financiers dont différents clergés peuvent bénéficier pour exercer leur ministère."

Faut-il à nouveau légiférer pour « conforter les principes républicains » et donner à la Puissance publique les moyens de s’opposer aux « séparatismes » liés à des dérives d’origine religieuse ?

Oui, il est nécessaire de confirmer la place éminente de la loi de Séparation des Églises et de l’État dans notre organisation républicaine et d’en actualiser l’impact en matière de droit des associations, de fonctionnement des lieux de culte, ainsi que des moyens financiers dont différents clergés peuvent bénéficier pour exercer leur ministère.
En clair, il faut que cesse, enfin, la formation et le financement des imams par la Turquie, le Maroc, l’Algérie, le Qatar et l’Arabie Saoudite, portes d’entrée de l’extrémisme islamiste.
Mais ce contrôle devrait s’exercer aussi sur les Églises évangéliques, financées depuis les USA, et sur les moyens considérables, dont disposent des écoles hors contrat et tenues par des mouvements intégristes, qu’ils soient catholiques, protestants, musulmans ou juifs.
Je demande donc que tout acte législatif en la matière soit appliqué à l’ensemble des religions, dont il faut préserver la liberté de culte, mais dans le strict respect de « l’ordre public », conformément à l’Article premier de la loi de 1905.

Pourtant, il est vrai que l’urgence aujourd’hui, c’est la condamnation de l’islamisme, pour des raisons internes à l’évolution de notre société, et compte tenu que la France est la cible privilégiée de l’islam politique dans un conflit qui s’est internationalisé. Ce choix vient d’être renouvelé par le président Macron dans son discours du 2 octobre 2020. Il est confirmé par le dépôt, le 9 décembre, date symbolique, d’un Projet de loi confortant les principes républicains ».

J’avais, avec beaucoup d’autres, plaidé pour l’abandon du titre initial : Projet de loi contre le Séparatisme. Cela est fait, et je m’en réjouis. Plus concrètement, les propositions de ce texte : expulsion d’imams étrangers, prêcheurs de haine, fermeture de mosquées et d’écoles coraniques, où étaient tenus des propos hostiles à la République, révision de nos accords en la matière avec la Turquie et le Maghreb montrent que l’État a pris la mesure des conséquences de son aveuglement.
Il faut savoir gré au président Macron d’avoir désigné le danger et renoué avec la politique de fermeté de Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur en 2015.
Or, voilà que survient l’assassinat de Samuel Paty, sa mise en scène atroce, et le défi ainsi lancé à l’École publique et à la République. Nul ne peut ignorer désormais que l’islam en France abrite des individus fanatisés, souvent manipulés depuis le Moyen-Orient, et prêts à commettre des actes terroristes, au nom d’une conception dévoyée de leur religion. Mais il faut reconnaître que, trop longtemps, avaient échappé à nos regards ces dirigeants d’associations loi 1901, filiales des Frères musulmans, et diffusant la charia, au sein de quartiers communautarisés. Tout comme ces imams en rupture avec nos modes de vie et en opposition frontale avec nos lois étaient tolérés dans certains départements ou banlieues de grandes villes.
Certes, redisons-le, une fois encore, il s’agit d’un tout petit nombre d’individus par rapport à l’immense majorité des Français de confession musulmane qui vivent leur foi dans le respect du cadre républicain. Mais cette minorité fanatisée, décidée à en découdre avec la laïcité, existe, et elle nous oblige à réaffirmer la nécessaire Séparation du pouvoir politique et des « Églises », et à redire que la religion appartient à la sphère privée.
En revanche, encore faut-il prendre toute la mesure du problème que pose l’islam politique : renforcer la sécurité publique est nécessaire, mais cela ne suffira pas. Il restera un obstacle de taille pour surmonter l’épreuve, c’est l’ampleur de la fracture sociale entre citoyens, dans certains territoires, là où réside une population paupérisée et, pour partie, de religion musulmane. Or, le constat demeure, ou plutôt, il s’aggrave depuis les années 1990 : « France périphérique », « Ghettos urbains », « Territoires perdus », autant de formules inventées par des chercheurs pour décrire l’inacceptable inégalité, qui ruine la promesse républicaine et la légitimité de la loi.
Cette réalité nous interpelle. Elle met au pied du mur toute la classe dirigeante, qui ne peut feindre d’ignorer cette négation de nos principes et de notre histoire, ni les comportements de sécession qui en découlent au sein d’une fraction significative de nos concitoyens. Nul ne peut nier aujourd’hui qu’il y a, sur une partie du territoire national, une question religieuse, étroitement, et même intimement, liée à une question sociale. Et c’est là notre principale faiblesse par rapport à l’islam.
Comme le disait Jean Jaurès : « La République doit être laïque et sociale, mais elle restera laïque, parce qu’elle aura su être sociale ». Quel parti, quel candidat à de hautes fonctions acceptera, en ces temps de crise, de reprendre à son compte ce programme, et osera affirmer que les objectifs de « justice sociale » et de « laïcité » sont indissociables ?

09-12-2020