Je retrouve dans cet ouvrage sa faculté d’indignation contre toutes les postures « accommodantes » ou complaisantes vis-à-vis des religions : celle des élus en quête de voix, mais aussi celle de dirigeants associatifs qui cachent le laxisme de leur position sous un étalage de bons sentiments. À l’inverse, Laurence Marchand-Taillade est la rigueur même. Et c’est ce qui donne son prix à cet essai.
Mais ce livre offre beaucoup plus qu’un témoignage de terrain. Il prend de la hauteur et il parcourt toutes les thématiques de la laïcité, sans se limiter à l’invention de la de la Laïcité – séparation, celle qui va des lois Ferry des années 1880 au texte fondateur de 1905. Ainsi, Laurence Marchand-Taillade aborde tous les enjeux actuels, dans une succession de chapitres bien enlevés : la défense de l’IVG et celle du mariage homosexuel ; l’objectivité scientifique et le refus du créationnisme ; le droit de mourir dans la dignité et la neutralité religieuse dans l’entreprise privée ; mais elle passe aussi en revue la revendication de cimetières communautarisés, au nom de l’islam ; la demande de nourritures dites " halal " ou "kasher" dans les cantines scolaires, etc. Elle traite, enfin, longuement de l’école publique, qu’il convient de "sanctuariser", et des avantages indus accordés à l’école confessionnelle. Aucune question posée à notre temps, sous la pression des religions, n’échappe à son regard acéré.
Avec une constante dans sa démonstration : elle ne cède pas à la facilité de se focaliser sur les dérives de l’islam, ou sur les attentats islamistes. Elle mène de pair sa recherche d’une attitude laïque et la confrontations aux trois religions monothéistes. Elle montre qu’il y a une parenté d’inspiration entre le christianisme, le judaïsme et l’islam sur un sujet central : le statut des femmes et des minorités homosexuelles dans les sociétés du XXIe siècle. Et elle en donne la raison : au cœur des Livres sacrés, il y a inscrit l’inégalité de condition et de reconnaissance, entre les genres, entre les sexes. Pour illustrer cette idée, elle consacre un chapitre, intitulé : Sexualisation, domination, discrimination, à dresser un florilège de citations misogynes, empruntées à l’Ancien Testament, au Nouveau Testament et au Coran. On sort de cette lecture accablé et légitimement inquiet pour notre quotidien. C’est alors qu’apparaît le double projet de l’ouvrage : dénoncer d’un même mouvement les dérives des intégristes et des fondamentalistes, qu’ils soient de confession catholique, évangélique, juive, musulmane ; et le faire à partir de leurs comportements discriminatoires à l’égard des femmes et des minorités sexuelles.
Avec Laurence Marchand-Taillade, la laïcité retrouve son pouvoir d’émancipation, sa promesse d’égalité et de fraternité, sa capacité de défendre les droits et libertés que notre République s’est donnée, non sans de rudes affrontements. Au fil des pages, la laïcité redevient fille des Lumières, de 1789 et de 1905. Une glorieuse singularité française, dont nous sommes les mandataires.
Merci de nous le rappeler, Laurence.
A l’honneur
A lire : L’urgence laïque Laurence Marchand-Taillade.
Il faut lire d’urgence ce plaidoyer vibrant et convaincant en faveur de la laïcité. Je connais depuis longtemps Laurence Marchand-Taillade et j’admire son engagement à la tête de l’Observatoire de la laïcité du Val d’Oise qu’elle a fondé.